Super Héros : « L’Hospice », 2002, et « A very Old Thing », 2015.
C’est en lisant Francis Masse (Les Deux du Balcon) que Gilles Barbier découvre que Mickey, la petite souris de Walt Disney, rajeunit en vieillissant. Francis Masse, dessins à l’appui, en fait la démonstration. Syndrome de Benjamin Button ? Surpris, il recherche alors la date de naissance du célèbre rongeur et tombe sur une année : 1928. Mickey a donc alors 72 ans. C’est un « vieux » … Or, aux États-Unis, les œuvres tombent dans le domaine public 95 ans après leur première publication. Mickey est heureux, il rajeunit car il est proche de sa libération. Il se sent pousser des ailes. La fin du copyright, la fin du carcan dans lequel il est emprisonné depuis si longtemps sera effective bientôt. Mickey va être libre ! Mais le gouvernement américain, soucieux de protéger le juteux business que protège le copyright, décide de prolonger la période des droits de 20 ans (le Sonny Bono Copyright Term Extension Act pour les amateurs). Les cartes ainsi rebattues, La pauvre bête ne sera élargie de sa condition figée dans ses codes et contrats qu’à l’âge canonique de… 115 ans ! Vieillard. Les êtres sous copyright sont maintenus dans des attitudes et des formes qui les emprisonnent dans des scénarios figés, comme les actrices pornos. Aucune liberté, aucune émancipation ne seront autorisées. L’assignation à résidence des créatures de fiction est fixée à 115 ans. Monstrueuse législation. Barbier note alors sur un bout de papier : Faire des Super Héros à l’âge de leur copyright.
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Quelques années plus tard, en 2002, il décide de réaliser l’œuvre qui en découlera. Superman a alors 70 ans, Wonder Woman 65 ans… Il produit six personnages, parmi les incontournables de l’univers Marvel : Rubber Man, Cat Woman, Hulk, captain America, Wonder Woman et Superman en moulant, selon les techniques de l’hyperréalisme, leur corps sur des personnes ayant l’âge exact de leur copyright. Ainsi naît « L’Hospice ». L’installation connaîtra un certain succès. Elle est exposée en Suisse, à New York, à Miami, Tokyo et enfin à Paris, en 2009, Pour « VRAOUM ! Trésors de la Bande Dessinée et Art Contemporain », à la Fondation Antoine De Galbert.
En 2015, Gilles Barbier produira un dernier Super Héro fatigué. « La Chose », des « Fantastic Four ». Mais La Chose est faite de roc. N’étant pas de chair, son âge est celui des vieilles pierres. Lianes, mauvaises herbes, fougères et moisissures enfouissent lentement Benjamin Grimm dans son fauteuil, et dans l’oubli.