Exposition « Gilles Barbier ».

Carré d’Art de Nîmes.

(…) Le parcours imaginé par l’artiste, à partir d’une centaine d’œuvres dont les plus anciennes datent de 1993, tend à subvertir l’architecture claire et ordonnée de Norman Foster pour y induire des rythmes différenciés où le mouvement des corps matérialise le mouvement de la pensée : frein de la lecture des pages de dictionnaire et des dessins de programmation, cheminement dans les galeries du terrier, sortie dans le noir interstellaire des dessins noirs, traversée explosive de la balle qui termine l’exposition. L’exposition n’est pourtant pas une rétrospective. Il s’agit plutôt d’un brassage nouveau où se mêlent éléments anciens et œuvres nouvelles. En effet, Gilles Barbier définit sa méthode de travail comme une rumination. De même que le catalogue organisé autour de quatre interviews scrutant l’œuvre selon des axes différents, tous également pertinents mais dont on ne peut jamais dire qu’ils épuisent la question, l’exposition est la monstration de vérités approchées mais ne recherche pas un message central qui résume tout.

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A la position de l’Artiste, de l’Auteur, qui met en scène un monde parallèle au réel, autonome et parfaitement affirmé, il préfère l’instabilité, le glissement et se revendique comme un espace ouvert balayé de différents motifs, que matérialise dans ses œuvres : les mots, noms de marques commerciales, questions, préceptes, bulles de BD, correcteurs de réalité, toute une logorrhée inséparable de son travail. Le mot est premier. Il dit en effet : « Je peux même dire que ce qui est produit (et là je parle de l’ensemble de ma production) n’est au fond que l’illustration du texte. Ou Peut-être, plus justement, par une manière de retournement bizarre, que le texte en serait l’enluminure ». C’est ainsi qu’il convient de comprendre l’opposition : locataire/propriétaire fréquemment mentionnée. La plupart des pièces affirment le pluriel : le recours au clone est récurrent, qui multiplie le même personnage mais qui, de pièce en pièce, développe une sorte de jeu de rôle : l’ivrogne, le pied tendre… mais pourtant toujours avec le même visage, celui de l’artiste. Cette instabilité témoigne aussi d’une époque où on peut trouver sur internet beaucoup plus d’images que dans l’imagination de n’importe quel artiste.

De sa longue fréquentation de la science fiction et de la bande dessinée, Gilles Barbier retire un intérêt marqué pour la fiction et une capacité à imaginer des espaces, des organismes : poches d’existence, ectoplasme… qui incarnent les schémas du fonctionnement de principes abstraits, développant une pensée conceptuellement très soutenue, mais aussi très figurée. Le travail est nourri de multitude de concepts de physique, d’intelligence artificielle, de théories de l’information. Il s’intéresse à l’aventure spatiale, à l’anatomie, à l’explosion de la bombe atomique à Hiroshima ou au mythe (le monstre du Lochness). Il apparaît en quelque sorte comme une hypertrophie du raisonnement et de l’intelligence, matérialisé par le cheminement dans d’innombrables galeries, passages, thématiques toujours recommencées. Il n’y a aucune évolution dans le travail, aucune œuvre n’est étrangère à l’autre. A tout moment, l’histoire peut recommencer, souvent à partir d’un élément de l’œuvre nouvellement choisi pour être le début. (…)

Extrait du texte de présentation de Françoise Cohen, Directrice du Carré d’Art de Nîmes.