« Banana Riders », 2004.
Au début des années 2000, la banane devient un motif récurrent dans ses œuvres. Moulée en cire et peinte, il la place ici et là dans l’espace d’exposition et l’appelle Vaseline Onirique. Ce fruit exotique, associé au singe (et par extension au racisme ordinaire), phallique par sa forme et ami des glissades, interroge par sa présence incongrue. Très vite cependant, la banane est rejointe par d’autres objets, qu’il regroupe sous le dénominatif Agents Mouillants. L’agent mouillant, en chimie, est un composé qui augmente le pouvoir de pénétration d’une substance en abaissant les tensions de surface. Au-delà des jeux de mot dont les références sexuelles sont d’une évidence crue, la banane, la Vaseline Onirique comme les Agents Mouillants occupent une place stratégique dans la compréhension du vocabulaire plastique de l’artiste.
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Son utilisation, qui dépasse l’incongruité et le graveleux d’une première lecture (celle qui amuse la galerie), marque une nécessité syntaxique qu’il repère dans l’organisation de son langage artistique ; un marqueur, comme une préposition, indiquant que l’intervention d’une fonction mécanique est à l’œuvre, aussi bien au niveau des mouvements du corps de que ceux de la pensée. Pour cette raison, il les dispose au pieds de ses premières Machines de Production. En gagnant progressivement de l’aise dans l’usage de ce lexique, il l’introduit dans la conception d’œuvres plus ouvertement articulées autour de ces notions mécanistes : Projection Mentale (mécanisation de la production d’image par le suicide), la Patinoire (chorégraphie de la chute), ou pour l’installation dont il est ici question : Banana Riders. La horde des cavaliers, juchés sur des bananes, est disposée comme pour opérer une trouée dans les lignes ennemies. Ils portent des étendards conquérants sur lesquels sont inscrites les formules chimiques des agents mouillants les plus communs. Ici, le dispositif prend une tournure plus politique et revient sur une des véritables obsessions de l’artiste, terreur existentielle qu’il a identifiée dans un de ses entretiens comme : esthétique du viol généralisé, appliquée à la marchandisation du monde (*). Viol massif dont une autre œuvre, Banana Head (Traumatic Insemination), se fera l’écho.
« Glissades » : Instabilité, indistinction et postures humoristiques à l’ère dite postmoderne. Charlotte Serrus. PUP. 2012
(*) Entretien avec J.Y. Jouannais dans Avant toute Chose… (2004, Éditions jpr Ringier).