Entretiens (volume I, 1995-2006).
La critique, miroir baroque, renvoie souvent à l’artiste une image surprenante de son travail. Parfois on y découvre des trésors, parfois des punaises de lit qui vous collent longtemps à la peau. Mais pour un jeune artiste, pour une œuvre naissante, voire balbutiante, la critique se trouve parfois désarçonnée. Le manque de recul, la maladresse du discours, parfois l’audace ou tout simplement l’incompréhension intergénérationnelle rendent l’analyse délicate. Aussi, trop souvent, celle-ci ne s’aventure pas dans l’exotisme d’une pratique embryonnaire et se contente de bienveillantes banalités, quand elle ne se trompe pas d’objectif, confondant air du temps et jeunesse.
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Pour toutes ces raisons, Gilles Barbier, dès le début, privilégie l’entretien épistolaire, s’offrant le luxe du temps réflexif de l’écriture. Le premier, daté de 1995, se fera avec Jean-Yves Jouannais. Internet est encore balbutiant et les courriers s’envoient par la poste, consacrant le temps long. Il continuera de favoriser cette forme, qui va se fluidifier avec l’arrivée des courriers électroniques. Il fera des dizaines d’entretiens, avec des critiques et des commissaires d’expositions bien sûr, mais aussi des philosophes, artistes, écrivains. Il accumule ainsi des pages et des pages de textes, de réflexions, de digressions et de tâtonnements théoriques. Il intégrera plus tard le flux de ces échanges au corps de son travail. La rédaction manuscrite de ces entretiens sur carnet va constituer le support de cette circulation, en incarnant avec la pratique systématique du portrait les références qui défilent au cours de sa progression.