Portail de Téléportation (en panne).
En 1995, Gilles Barbier place son premier « Portail de Téléportation » à Linz, Autriche, à l’occasion de son exposition « Ein Kopie der Welt ». Il en placera encore, à l’occasion d’autres expositions, en Allemagne (Berlin), aux États Unis (Santa Barbara, Seattle), Corée (Séoul), Marseille, Rotterdam… Des petits, des grands… Tissant un réseau pour une circulation instantanée entre ces différents points, à la manière d’Internet. Cependant, sur chacun de ces portails est griffonné un petit mot :
Pour des raisons techniques, le portail de téléportation est actuellement hors service. Nous vous prions de bien vouloir nous excuser pour ce désagrément.
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La proximité formelle du portail avec une œuvre d’art minimal lui permet de s’intégrer assez naturellement aux expositions. Ici, Gilles Barbier joue sur plusieurs nivaux de confusion, plaçant le visiteur dans un double embarras. Non seulement l’objet n’est pas une œuvre d’art, se présentant comme objet technologique, mais en tant que tel, il ne fonctionne pas non plus. On pourrait dire, à l’instar des machines volantes de Panamarenko, la chose suivante : Ce que vous voyez n’est pas ce que vous voyez n’est pas ce que vous croyez ! À propos de cet étrange statut, l’artiste dit ceci :
Ce portique, je le place partout, dès que j’en ai la possibilité. Il n’est ni une œuvre d’art ni un objet d’usage – il est en panne pour l’éternité – mais renvoie à un jeu d’esprit que j’affectionne particulièrement. Il tisse, en se multipliant, un réseau virtuel de connections à l’echelle de la planète. Il accompagne ainsi l’expansion de mon propre travail, dans sa diversité et dans ses ruptures. Mais plus profondément, ce dispositif mental m’aide à évoquer la promesse d’une cohésion, même virtuelle. La promesse d’une réparation, qui rendrait au grand corps éclaté de mon œuvre une intégrité à venir.
Extrait d’un entretien avec Dong Eun Ma, 2016.