Peintures

Dessins Noirs (sélection)

(…) Je pense aussi le programme comme un défi au temps. Il permet de satisfaire à la fois ma boulimie et mon besoin de rumination. Par exemple, les dessins noirs que je fais depuis si longtemps sortent d’un programme précis. Leur format est défini, de même que leur technique. Ils peuvent s’assembler par groupe, jamais plus de 6, sur une grille de 3 sur 2 ou de 2 sur 3, comme les vignettes d’une page de BD.

Leur sujet : tout ce qui vient impacter ma sensibilité ; le souvenir d’une soirée arrosée, une phrase, une image, une vision, un morceau de musique, un mot clé, un souvenir… Ils peuvent, collectivement, être vus comme les données enregistrées dans la boîte noire de ma trajectoire. Puis ils sont regroupés par groupe de six sur quatre grands tourniquets à quatre branches qui, tournant sur eux-mêmes, ouvrent et referment cette boîte noire en émulsionnant ces impacts.

Pour résumer, j’ai quelques algorithmes élémentaires, des données, un espace d’application et du temps. Je ressens, dans cet espace, une immense liberté. J’appelle ce protocole une « Machine de Production. » Je n’ai plus besoin de travailler, les choses se font, pour ainsi dire, toutes seules. Alors je peux reprendre le cours de mes rêveries. (…).

Extrait de l’entretien « Le Jeu de la Vie », avec Gaël Charbau (Écho Système, 2015).

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(…) Les Dessins noirs sont peints à la gouache avec une technique de réserve. C’est-à dire que tout ce qui apparaît en blanc n’est pas le produit d’un ajout de peinture blanche, mais d’une « réserve » laissant le papier vierge. Quant aux nuances de gris, on les obtient par dilution du noir dans plus ou moins d’eau. Ainsi, la construction de l’image se pense en négatif, comparable à la photographie argentique, mais aussi à la technique du moulage, qui projette l’envers des formes à obtenir. Ce processus implique de penser à l’avance ses « réserves » et de les ménager à l’aide de caches : Des protections en papier ou en latex ! Cette gymnastique d’inversion m’a permis au fil du temps d’intégrer avec une grande précision les trois registres gestuels de la peinture : le corps, le bras et la main. Le domaine et l’amplitude de ces trois gestes sont toujours à délimiter par avance. Ma pratique et mon immersion dans les contraintes qu’ils imposent m’ont permis de développer une approche toute en strate de la surface picturale. Notamment avec mon travail sur polyester, qui autorise une utilisation « devant-derrière » du support. C’est vertigineux et fascinant à produire ! Ça déconnecte pour mieux relier, avec de nouveaux conducteurs, de nouveaux jacks. (…)

Extrait de l’entretien « les Pas de Côté », avec H. L. (2021).

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